mercredi 30 décembre 2009

J'attends l'impossible



C’est l’amour seul qui peut me sauver et c’est l’amour qui m’a détruit (Sarah Kane) Phrase terrible, insupportable et tellement vraie, sinon que je voudrais en inverser les termes : c’est l’amour seul qui peut me détruire et c’est l’amour qui m’a sauvé !
En quelques heures, je suis tombé raide dingue amoureux d’un homme de vingt ans mon cadet, lui-même sinon détruit en tout cas bien abimé par un chagrin d’amour. Comment est-ce possible ? Cela ne m’était pas arrivé depuis… très longtemps, si longtemps ! C’est une joie et un fardeau. Je voudrais tout faire pour lui, le consoler, l’aider, être à ses côtés au quotidien, alors qu’il traverse une période où il n’est pas capable de s’impliquer de se projeter ; où il a peur de ses émotions, de lui-même et encore plus des autres…
Pour moi, ce qui est positif, c’est que j’accepte cet élan, que je retrouve une libido que je croyais perdue. Ce qui est plus trouble c’est ce rapport à la détresse ou ce que je perçois comme telle, à ma phobie absolue du suicide, une culpabilité qui résonne avec des histoires passées…
A ma décharge, je crois que le monsieur en question n’est pas désagréable à regarder, qu’il est loin d’être con et qu’il exerce dans un domaine artistique un talent certain. Alors, oui, c’est un peu mégalo de croire que moi, petit vieux, je puisse avoir assez de séduction, de savoir faire pour tirer un homme du désespoir et lui faire retrouver l’amour, celui qui sauve ! Et qu’en plus cet amour le porte vers moi !
Mais comme je suis un grand garçon et que je l’aime vraiment, j’espère juste que je peux l’aider et être un ami véritable pour lui.
Bref, je ne sais pas pourquoi j’écris ceci sous « J'attends l'impossible » car j’ai bien l’intention de faire tout ce qui est possible pour faire mentir Sarah Kane.

vendredi 25 décembre 2009

On ne sait jamais


A peine plus d’un an après son suicide, j’ai reçu une photo de Serge via Facebook de la part d’un inconnu utilisant un pseudonyme avec juste la mention « from madgy ». Cette photo faisait partie d’un album titré d’un simple point d’interrogation qui contenait en plus une autre photo de Serge prise au même moment et une image de plage de galets en bord de Méditerranée. Le tout sans légende. Ces photos ont dues être prises peu avant sa mort en 2008.
Serge et Madgy étaient des collègues avec qui je prenais souvent le café entre 1995 et 1999, date de mon départ pour Bordeaux. J’ignorais qu’ils étaient ensemble, je ne l’ai appris que très tard, peu avant de quitter la BnF, j’avais dragué Serge et nous sommes allés chez lui où nous avons baisé assez joyeusement, sans conséquence ni promesse. J’ai gardé avec Serge des relations amicales très espacées. A mon retour de Bordeaux, ils étaient partis s’installer dans le midi. Je l’ai recontacté quand j’ai décidé d’aller vivre à Nice. Il m’a envoyé deux SMS que j’ai gardés dont celui-ci tout début décembre : « Cher François, je me sens  à l’heure actuelle comme un vieil arthritique en lutte contre ses penchants pour l’alcool. De plus je n’ai aucun moyen de locomotion et suis régulièrement pris d’agoraphobie. Il me faudra malgré tout me surpasser dès la semaine prochaine. Attendras-tu jusque-là, me pardonneras-tu tant de délicates  faiblesses ? » Et c’est en arrivant à Nice le 17 décembre 2008 que j’ai appris que Serge s’était pendu. C’est Madgy qui a appelé les numéros enregistrés dans le répertoire du téléphone portable de Serge. J’étais bouleversé et sans doute lamentable avec Madgy dont je me souviens qu’il m’a affirmé que Serge m’aimait bien.
J’espère aujourd’hui que j’aurais l’occasion de renouer le contact avec Madgy. J’ai demandé à l’inconnu sous pseudonyme qu’il lui transmette mes coordonnées.
On ne sait jamais

mardi 8 décembre 2009

Pas d'art sans ego


Vendredi 4 décembre vers 13h30, J. G. arrive à l’hôtel-restaurant de l’Aiglon à Digne, nous y prenons le café avant de partir dans sa voiture vers Moustiers-Sainte-Marie ou plus exactement chez lui à quelques kilomètres du village de Moustiers. Il me fait visiter son atelier de potier où je vois sa production. Il me montre aussi ses dessins, gravures et peintures. J. n’est pas seulement un artisan mais aussi un artiste. Au crépuscule, nous allons à Moustiers faire une petite ballade dans le village avant de rejoindre ses amies Fred & C° au restaurant Le Jadis qu’il a décoré pour une réouverture mercredi prochain. Je souhaitais l’inviter à dîner au restaurant mais il n’y en a pas un seul ouvert le soir à cette saison ! Retour à la maison, après le repas, J. me laisse regarder ses agendas (carnets intimes). C’est beau, intéressant, bouleversant mais très impudique à lire sous le regard de l’auteur. Je saute des passages que j’aurais lu s’il n’avait pas été présent.
Je crois bien que nous sommes devenus amis sur Facebook quand je suis tombé par hasard sur une photo de lui tirant la langue et que je l’ai contacté à ce moment-là, découvrant ensuite son œuvre qui m’a donné envie de le rencontrer et de voir en vrai son travail. J’avais un peu peur de la rencontre dans le réel à cause du côté rebelle, branleur, gay, fêtard et farfelu qu’il se donne sur Facebook et en fait j’ai des grands élans de tendresse pour lui dont j’admire le travail et dont je perçois une fragilité certaine.
Samedi matin, nous allons voir le marché de Riez, parcourir les ruelles du village puis prendre l’apéritif sur une terrasse ensoleillée. J. y retrouve des amis, de nombreuses personnes le saluent, lui font la bise, l’interpelle. Quelle est la part de sa notoriété, de la convivialité villageoise ? C’est une ambiance et des rapports sociaux qui me semblent impossible dans une grande ville. Nous déjeunons en tête à tête au restaurant avant de rentrer chez lui. En fin d’après-midi, J. me raccompagne à la gare de Mézel - Châteauredon à 613,10 mètres d’altitude où je prends le train de 17h46 pour être de retour à Nice à 20h57. Le voyage de nuit ne présente aucun intérêt, sinon que j’obtiens du contrôleur qu’il accepte que je le prenne en photo me tirant la langue. Et un de plus dans ma collection !
En conclusion, un beau voyage, une belle rencontre avec un être de chair et de sang à l’ego appréciable. Pas d'art sans ego

lundi 7 décembre 2009

Penser à sourire






Je rentre de mon second voyage en dix jours. Après Saint-Etienne où j’étais allé participer aux premières assises nationales du cinéma gay et lesbien, j’ai enchaîné avec un voyage à Digne-les-Bains puis Moustiers-Sainte-Marie. Christiane que j’allais voir à Digne et qui devait m’héberger une nuit m’a téléphoné la veille de mon départ pour m’informer qu’elle souffrait d’une grippe carabinée mais comme en plus elle a éclaté en sanglot je pense que son moral est au plus bas même si elle ne m’en a rien dit.
Jeudi 3 décembre à 8h50 je suis monté dans le train des Pignes à la gare du Sud de Nice pour atteindre Digne trois heures et demi plus tard en ayant franchi 151 kilomètres dont 12 sous des tunnels et traversé 33 ponts ou viaducs répartis dans un paysage extraordinaire le long des vallées du Var, du Coulomp, de la Vaïre puis les gorges du Verdon où la pluie qui s’était mise à tomber peu après le départ, s’est transformée progressivement en neige couvrant le paysage de blanc. La descente vers Digne par la vallée de l’Asse s’est continuée sous une pluie fine. A la gare, impossible de trouver un plan de la ville. Je repère le syndicat d’initiative qui est bien sûr fermé… Je me dirige vers le centre culturel où j’ai réservé des places pour le spectacle Cap au pire et Acte sans paroles de Beckett. Non loin de là j’avise trois hôtels et je choisis l’Aiglon à cause du nom (théâtre oblige) et du prix. J’y dépose ma valise et compte tenu du froid, de la pluie incessante, des nuages bas qui masquent les hauteurs de Digne et les montagnes environnantes, je m’allonge jusqu’au moment d’aller voir le spectacle.
Au centre culturel René Char, je vois J. G. arriver avec des amis. Il me reconnait aussi immédiatement, c’est une situation un peu surréaliste, n’étant qu’amis sur Facebook, c’est la première fois que nous nous rencontrons. J’ai beaucoup aimé le spectacle à la mise en scène épurée, avec un comédien, Daniel Bourgy, excellent. Cap au pire au texte proliférant est assez oppressant, Acte sans paroles plus léger même si Beckett y ressasse les mêmes obsessions. Après le spectacle, nous attendons que la compagnie de l’Entre Deux ait rangé tout son matériel avant d’aller diner ensemble (9 personnes) à la Cerise bleue. J. doit me rappeler le lendemain pour me dire ce que l’on fait, s’il m’emmène ou pas à Moustiers. Du coup, malgré le plaisir pris au spectacle et la convivialité du repas,  je me persuade que la neige, le froid, la grippe de Christiane sont les signes annonciateurs d’un voyage raté. Mais non ! J. m’appelle vendredi matin, nous nous donnons rendez-vous vers 13 heures, le soleil éclaire Digne que j’ai le temps de visiter d’autant plus que les églises, la bibliothèque et le musée sont fermés le matin. Je suis rassuré et je peux penser à sourire.